
Démonstration pose de préservatif, Nataliya, Pexels
« La pandémie a totalement ralenti voire arrêté le cours de nos activités car nos activités se faisaient essentiellement en présentiel » se désole Viviane OKE, étudiante en médecine à la Faculté des Sciences de la Santé de Cotonou et présidente de l’association Medical Students For Choice Cotonou. Elle s’est confiée à nous au cours d’un entretien par la messagerie en ligne WhatsApp. Nous aurions voulu rencontrer Viviane mais l’évolution rapide de la situation épidémiologique de la COVID-19 au Bénin ces dernières semaines avec une augmentation des cas graves et des décès ne nous ont pas laissé le choix. Pour cette responsable d’association d’une centaine de jeunes militant pour la promotion des méthodes modernes de planification familiale, la pandémie a été un coup d’arrêt :
« Certaines formations étaient pratiques notamment la formation sur la pose de Dispositif Intra Utérin (DIU), l’Aspiration Manuelle Intra-Utérine (AMIU). Elles impliquaient nécessairement une présence physique. Nos objectifs n’avaient pas pu être atteints. S’il n’y avait pas de pandémie on aurait mieux fait ».

La présidente de l’ONG « Filles en Actions », Brian SOSSOU échange avec un groupe d’adolescents et de jeunes sur les grossesses précoces et le harcèlement le 31 juillet 2021 au Collège d’Enseignement Général de Zogbodomey. Fiacre GBEDIGA/ONG « Filles en Actions »
Comme ce dernier, plusieurs creusets de jeunes béninois engagés pour les droits et santé sexuels et reproductifs (DSSR) se sont vus arrêtés dans leur élan en raison de l’apparition de la COVID-19. Si des études ont permis de relever les estimations sur l’ampleur des conséquences de cette crise sur les différents secteurs d’activités, il n’était pas facile jusque-là, d’être réellement situé sur le cas des associations de jeunes au Bénin. Particulièrement, l’impact sur les organisations juvéniles intervenant dans le domaine des DSSR est digne d’intérêt, vu les conséquences en chaînes qu’il peut induire.
L’impact sur les organisations juvéniles intervenant dans le domaine des DSSR est digne d'intérêt, vu les conséquences en chaînes qu’il peut induire. Cliquez pour tweeterLes affres de la crise pandémique n’ont pas été ressenti uniquement au sud du Bénin. Même dans le septentrion, les associations de jeunes œuvrant pour les DSSR ont subi les représailles du mal inattendu. Nous avons rencontré dans la ville de Parakou, Ayouba OROU GOUNOU GUENE. Il est juriste, jeune activiste engagé pour les DSSR et membre de l’association Barika.
« Nous n’étions pas préparé à ce changement brutal et personne ne voulait prendre le risque d’aller sur le terrain », confie-t-il.
Des regroupements impuissants devant la covid-19

Miguel, Pexels
« L’association est la retrouvaille de plusieurs individus et par excellence une autre forme de socialisation qui privilégie une culture de proximité physique », précise le socio-anthropologue de la santé Abdoul-Nasser SIME SEKO. Pour lui, les associations de jeunes ne pouvaient pas grand-chose face au coronavirus et les comportements nouveaux inhérents. Il relève deux causes significatives : le modèle économique et les méthodes de travail sur le terrain. « Avec les mesures de limitation de la propagation de la pandémie, on a eu droit, au-delà de la vulnérabilité économique associative, à d’autres formes d’influence négative dans le monde du travail. Il s’agit là d’une vulnérabilité psychologique des membres de l’association ne favorisant pas le fonctionnement habituel des associations des jeunes » ajoute-t-il.
Avec les mesures de limitation de la propagation de la COVID-19, on a eu droit, au-delà de la vulnérabilité économique associative à une vulnérabilité psychologique des membres d'associations ne favorisant pas le fonctionnement… Cliquez pour tweeter
formation sur la santé et hygiène menstruelle organisée par One World et Girls Blood World le 27 aout 2021. Emmanuel GANSE/Girls Blood World
Les sources de financement de ces organisations éprouvées, ces dernières aussi en paient le lourd tribu. On peut citer l’impossibilité d’organiser des activités grand public. C’est pourtant la formule la plus utilisée pour impacter le plus de personnes ciblées. Selon Moïse SODOKIN, spécialiste en conception et gestion des programmes et projets de jeunesse, « ces organisations composées et dirigées par des jeunes dont l’âge est compris entre 18-29 ans, ont ressenti un grand choc en matière de mobilisation des ressources dans la mise en œuvre de projets sur les DSSR. Les bailleurs de fonds ont dû revoir les priorités avec l’avènement de la pandémie en réorientant les ressources vers l’urgence de la riposte contre la COVID-19 ».
Les organisations de jeunes ont ressenti un grand choc en matière de mobilisation des ressources dans la mise en œuvre de projets sur les DSSR Cliquez pour tweeterLes campagnes d’activités se déroulent désormais sur internet et ses plateformes. La visioconférence reste le principal palliatif malgré la qualité et surtout le coût de la connexion internet au Bénin. Pour d’autres événements, la contrainte de la présence physique impose l’acceptation d’un nombre très peu significatif de personnes. L’association Barika à Parakou, a pu organiser la campagne digitale « Vacances OKLM » pour sensibiliser les adolescents et jeunes sur les moyens de prévention contre les grossesses non désirées pendant les vacances, malgré le contexte.
Des soutiens, certaines associations en ont eus. Medical Students For Choice Cotonou a reçu un accompagnement financier du Conseil National des Gynécologues Obstétriciens du Bénin pour les activités de paire éducation. « Nous avons bénéficié de l’appui technique et financier des partenaires comme l’Organisation Non Gouvernementale Plan International Bénin et de Sèmè City », déclare de son côté Ayouba Orou Gounou Guene de Barika. Mais cette chance n’a pas souri à toutes ces organisations de jeunes engagées pour la promotion des DSSR. En dehors des dotations en masques, gels hydrologiques et quelques intrants relatifs aux mesures barrières, plus rien. Cette situation est devenue en fin de comptes, une source de démotivation réelle pour les jeunes membres.
Occasion pour s’adapter et prévenir de probables crises futures
Les différentes responsables d’associations approchées sont unanimes sur l’exigence que constitue aujourd’hui l’adaptation à ce rythme nouveau, dont on ne peut prédire la fin. Maurelle Nadia KPONADOU est Secrétaire Générale de Women and Power Association (WoPAs), une organisation de jeunes filles basée à l’Université d’Abomey-Calavi, la plus grande du Bénin. Au cours de nos échanges, elle partage son expérience :
« Nous avons fait une relecture de nos documents projets pour revoir les dispositions à mettre en place pour respecter les gestes barrières pendant nos activités et ne pas dépasser les effectifs requis ».
Selon l’expert des questions de jeunesse Moïse SODOKIN :
« le constat est que les organisations de jeunes ont une faible capacité d’anticipation du risque en matière de mise en œuvre de projet à impact communautaire. Elles doivent se renforcer à propos comme dans le processus de digitalisation. L’autre mesure à proposer est la mobilisation de ressources internes en leur sein ».
Comme perspective pour le retour à la situation d’avant COVID-19, le socio-anthropologue, évoque la contribution essentielle des organisations de jeunes dans la mobilisation pour la vaccination contre la COVID-19 :
« Qu’elles s’impliquent et sensibilisent leurs paires avec des informations fiables sur la vaccination contre la COVID-19 » propose Abdel-Nasser SIME SEKO.
Auteurs : Willyam KLIKAN, Isaac HOUNGNIGBE