La planification familiale rend-elle vraiment stérile ?

Par Isaac Houngnigbe
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[:fr]Beaucoup de femmes ont encore une perception négative des méthodes contraceptives au Bénin  et en Afrique. Cette réalité est sans doute l’une des menaces à l’atteinte des objectifs en matière de planification familiale d’ici 2020. Inès, une étudiante de 21 ans, craint de ne pas pouvoir tomber enceinte en faisant recours à la contraception : « La contraception familiale me fait peur. Je connais une fille qui avait déjà eu un enfant. Elle a ensuite commencé par utiliser les pilules. Et après, difficilement, elle est retombée enceinte ». Cette inquiétude, Inès n’est pas la seule à l’avoir. Mais qu’en est-il réellement ? La planification familiale rend-elle réellement stérile ?

Les rumeurs et idées arrêtées sur les méthodes contraceptives continuent de susciter des craintes chez nombre de femmes. Selon Hermine Bokossa, Secrétaire Général Adjoint des Jeunes Ambassadeurs pour la Santé de Reproduction et la Planification Familiale (JA/SR/PF), « il y a encore trop de résistance à l’adoption des méthodes modernes de contraception due aux nombreuses rumeurs. La plupart du temps, les femmes croient aux informations selon lesquelles, la contraception entraîne la stérilité à long terme. Pour d’autres, surtout en milieu rural, c’est la crainte de la réaction du partenaire ».

D'autres femmes, surtout en milieu rural, craignent la réaction du partenaire face à l'adoption d'une méthode contraceptive Cliquez pour tweeter

Et pourtant, aucun fait n’atteste que la contraception entraîne la stérilité. C’est ce que confirme Dr Enow Awah Georges, médecin et spécialiste en santé de la reproduction. Pour lui, « il n’y a aucune preuve que l’utilisation des contraceptifs nuit à la fertilité. Le contrôle des naissances pendant des mois, voire des années, ne nuit pas à la fertilité d’une femme pour planifier de futures grossesses ». Il ajoute que  « l’ovulation revient généralement en quelques semaines à quelques mois chez les femmes qui cessent d’utiliser des méthodes de contraception à long terme, telles que l’implant ou le Dispositif Intra Utérin (DIU)’’. Selon le spécialiste, les méthodes contraceptives ont un caractère réversible obligatoire. C’est aussi l’avis de Dr Tchimon Vodouhe, gynécologue-obstétricien : « dès l’arrêt de la contraception, la patiente redevient apte à concevoir. Le délai de survenue de cette grossesse peut varier d’une méthode à une autre ou d’une femme à une autre mais en général, en six mois au plus, l’effet des méthodes hormonales disparait ».

Aucun fait n’atteste que la contraception entraîne la stérilité. Cliquez pour tweeter Dès l’arrêt de la contraception, la femme redevient apte à concevoir. Le délai de survenue de cette grossesse peut varier d’une méthode à une autre ou d’une femme à une autre. Cliquez pour tweeter

Lire aussi: 5 méthodes (hors préservatif) pour éviter les grossesses non désirées

Cette résistance de certaines femmes à adopter le planning familial, malgré toutes les évidences scientifiques de son innocuité sur la fertilité, est un fait sociologique qui a des raisons précises. Selon Florentine MERE, sociologue de santé, « la perception de la contraception par les populations se comprend parce que la richesse d’une famille en Afrique se mesure à l’abondance de sa progéniture. Cette logique est encore d’actualité et toute femme qui ne conçoit pas après son mariage souffre le martyr ». Selon elle, « dans une société africaine de tradition orale, les informations relatives aux effets secondaires des méthodes contraceptives ont été vite déformées favorisant l’ancrage de cette fausse perception dans l’imaginaire collectif ».

La richesse d’une famille en Afrique se mesure à l’abondance de sa progéniture. Cliquez pour tweeter

Les difficultés à concevoir ne doivent pas être imputées aux méthodes de contraception. Le fait d’avoir utilisé ou non une méthode de contraception ne change pas la façon d’explorer un cas d’infertilité d’un couple. « Si une femme ne conçoit pas du tout après 18 mois de rapports sexuels normaux, réguliers et complets, elle sera explorée comme toute femme infertile, soutient le gynécologue obstétricien. Selon Dr Tchimon Vodouhe, « si on identifie une cause d’infertilité chez une femme, cette cause aurait été présente même si la femme n’avait jamais recouru à une contraception ». Bien entendu, il existe des méthodes de contraception définitive que sont la ligature des trompes chez la femme et la vasectomie chez l’homme. Ce sont des méthodes de stérilisation définitive.

Si on identifie une cause d'infertilité chez une femme, cette cause aurait été présente même si la femme n'avait jamais recouru à une contraception Cliquez pour tweeter

La ligature des trompes chez la femme et la vasectomie chez l'homme sont des méthodes de stérilisation définitive. Cliquez pour tweeter
Les causes d’infertilité chez les femmes sont nombreuses.

Ainsi, bien que la planification familiale, une fois arrêtée, n’empêche pas la femme de tomber enceinte, les infections sexuellement transmissibles (IST) peuvent boucher les trompes et enrayer toute possibilité de conception. Dr Enow Awah Georges, spécialiste en santé de la reproduction insiste sur deux IST notamment la chlamydiose et la gonococcie. Non traitées, « elles peuvent provoquer une cicatrice des trompes de Fallope, ce qui peut avoir un impact sur la capacité de l’œuf fécondé à se rendre dans l’utérus ».

Les infections sexuellement transmissibles (IST) non traitées notamment la chlamydiose et la gonococcie peuvent boucher les trompes et enrayer toute possibilité de conception. Cliquez pour tweeter

Par ailleurs, certaines femmes subissent un arrêt de leur cycle menstruel pendant plusieurs mois après avoir arrêté la pilule. Cette situation d’absence des menstruations sème la panique chez plusieurs femmes. Ces dernières considèrent ladite situation comme préjudiciable à leur fertilité. « Ce phénomène est connu sous le nom d’aménorrhée post-pilule et est généralement dû à un problème sous-jacent sans rapport avec la pilule comme une insuffisance de poids significative ou même un stress sévère », rassure le spécialiste en santé de la reproduction.

Toutes ces informations infondées sur la planification familiale contribuent, autant que d’autres facteurs, à freiner les efforts menés pour la rendre accessible à tous. Beaucoup de femmes souhaiteraient éviter ou espacer les grossesses mais n’utilisent aucune méthode de contraception. Elles sont estimées à 214 millions dans les pays en développement (OMS) ¹. Le Bénin ne fait pas exception à cette réalité. Le taux de prévalence contraceptive au Bénin en 2016 est de 16,1%, un chiffre qui contraste avec les besoins non satisfaits évalués à 33% ².

Pour réduire ce gap important, il faut, entre autres mesures, « identifier et travailler avec tous les acteurs clés comme les leaders religieux, communiquer davantage sur les avantages de la planification familiale tout en expliquant les probables effets secondaires et rassurer de leur prise en charge par les professionnels de santé», recommande Florentine MERE, sociologue de santé. Dans un contexte de faible taux de recours aux méthodes contraceptives, malgré des politiques visant à lever les barrières diverses, les fausses rumeurs et idées reçues devraient porter le label «problème de santé publique » et faire l’objet d’un investissement, au même titre que celui accordé aux questions de coûts ou de barrières géographiques. Il s’agit d’un élément fondamental à prendre en compte si l’on veut lutter efficacement contre les grossesses non voulues et les dangers des avortements à risque.

1. Planification/contraception. OMS. 2018.
2. Family Planning 2020 : résultats à mi-parcours en Afrique de l’Ouest.

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 Dr Isaac HOUNGNIGBE est un médecin blogueur et activiste béninois passionné de la plume. Il utilise le pouvoir de la bonne information pour contribuer à la réalisation de la plénitude de santé pour tous les Hommes.[:en]

Les rumeurs et idées arrêtées sur les méthodes contraceptives continuent de susciter des craintes chez nombre de femmes. Selon Hermine Bokossa, Secrétaire Général Adjoint des Jeunes Ambassadeurs pour la Santé de Reproduction et la Planification Familiale (JA/SR/PF), « il y a encore trop de résistance à l’adoption des méthodes modernes de contraception due aux nombreuses rumeurs. La plupart du temps, les femmes croient aux informations selon lesquelles, la contraception entraîne la stérilité à long terme. Pour d’autres, surtout en milieu rural, c’est la crainte de la réaction du partenaire ». Et pourtant, aucun fait n’atteste que la contraception entraîne la stérilité. C’est ce que confirme Dr Enow Awah Georges, médecin et spécialiste en santé de la reproduction. Pour lui, « il n’y a aucune preuve que l’utilisation des contraceptifs nuit à la fertilité. Le contrôle des naissances pendant des mois, voire des années, ne nuit pas à la fertilité d’une femme pour planifier de futures grossesses ». Il ajoute que  « l’ovulation revient généralement en quelques semaines à quelques mois chez les femmes qui cessent d’utiliser des méthodes de contraception à long terme, telles que l’implant ou le Dispositif Intra Utérin (DIU)’’. Selon le spécialiste, les méthodes contraceptives ont un caractère réversible obligatoire. C’est aussi l’avis de Dr Tchimon Vodouhe, gynécologue-obstétricien : « dès l’arrêt de la contraception, la patiente redevient apte à concevoir. Le délai de survenue de cette grossesse peut varier d’une méthode à une autre ou d’une femme à une autre mais en général, en six mois au plus, l’effet des méthodes hormonales disparait ».Cette résistance de certaines femmes à adopter le planning familial, malgré toutes les évidences scientifiques de son innocuité sur la fertilité, est un fait sociologique qui a des raisons précises. Selon Florentine MERE, sociologue de santé, « la perception de la contraception par les populations se comprend parce que la richesse d’une famille en Afrique se mesure à l’abondance de sa progéniture. Cette logique est encore d’actualité et toute femme qui ne conçoit pas après son mariage souffre le martyr ». Selon elle, « dans une société africaine de tradition orale, les informations relatives aux effets secondaires des méthodes contraceptives ont été vite déformées favorisant l’ancrage de cette fausse perception dans l’imaginaire collectif ». Les difficultés à concevoir ne doivent pas être imputées aux méthodes de contraception. Le fait d’avoir utilisé ou non une méthode de contraception ne change pas la façon d’explorer un cas d’infertilité d’un couple. « Si une femme ne conçoit pas du tout après 18 mois de rapports sexuels normaux, réguliers et complets, elle sera explorée comme toute femme infertile, soutient le gynécologue obstétricien. Selon Dr Tchimon Vodouhe, « si on identifie une cause d’infertilité chez une femme, cette cause aurait été présente même si la femme n’avait jamais recouru à une contraception ». Bien entendu, il existe des méthodes de contraception définitive que sont la ligature des trompes chez la femme et la vasectomie chez l’homme. Ce sont des méthodes de stérilisation définitive.
Les causes d’infertilité chez les femmes sont nombreuses. Ainsi, bien que la planification familiale, une fois arrêtée, n’empêche pas la femme de tomber enceinte, les infections sexuellement transmissibles (IST) peuvent boucher les trompes et enrayer toute possibilité de conception. Dr Enow Awah Georges, spécialiste en santé de la reproduction insiste sur deux IST notamment la chlamydiose et la gonococcie. Non traitées, « elles peuvent provoquer une cicatrice des trompes de Fallope, ce qui peut avoir un impact sur la capacité de l’œuf fécondé à se rendre dans l’utérus ». Par ailleurs, certaines femmes subissent un arrêt de leur cycle menstruel pendant plusieurs mois après avoir arrêté la pilule. Cette situation d’absence des menstruations sème la panique chez plusieurs femmes. Ces dernières considèrent ladite situation comme préjudiciable à leur fertilité. « Ce phénomène est connu sous le nom d’aménorrhée post-pilule et est généralement dû à un problème sous-jacent sans rapport avec la pilule comme une insuffisance de poids significative ou même un stress sévère », rassure le spécialiste en santé de la reproduction. Toutes ces informations infondées sur la planification familiale contribuent, autant que d’autres facteurs, à freiner les efforts menés pour la rendre accessible à tous. Beaucoup de femmes souhaiteraient éviter ou espacer les grossesses mais n’utilisent aucune méthode de contraception. Elles sont estimées à 214 millions dans les pays en développement (OMS) ¹. Le Bénin ne fait pas exception à cette réalité. Le taux de prévalence contraceptive au Bénin en 2016 est de 16,1%, un
chiffre qui contraste avec les besoins non satisfaits évalués à 33% ². Pour réduire ce gap important, il faut, entre autres mesures, « identifier et travailler avec tous les acteurs clés comme les leaders religieux, communiquer davantage sur les avantages de la planification familiale tout en expliquant les probables effets secondaires et rassurer de leur prise en charge par les professionnels de santé», recommande Florentine MERE, sociologue de santé. Dans un contexte de faible taux de recours aux méthodes contraceptives, malgré des politiques visant à lever les barrières diverses, les fausses rumeurs et idées reçues devraient porter le label «problème de santé publique » et faire l’objet d’un investissement, au même titre que celui accordé aux questions de coûts ou de barrières géographiques. Il s’agit d’un élément fondamental à prendre en compte si l’on veut lutter efficacement contre les grossesses non voulues et les dangers des avortements à risque.

1. Planification/contraception. OMS. 2018.
2. Family Planning 2020 : résultats à mi-parcours en Afrique de l’Ouest.[:]

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