Le numérique comme outil stratégique de promotion du planning familial

Par Isaac Houngnigbe
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    Le numérique influence de plus en plus l’accès aux services de santé dans le monde. Selon une enquête récente[1] qui a interrogé plus de 1500 jeunes entre 15 et 30 ans, 84% ont déclaré qu’à l’avenir, ils utiliseraient davantage de technologies numériques et/ou d’applications Web  pour suivre leur santé et prendre des décisions éclairées en matière de santé. Alors que le planning familial rencontre encore des résistances au Bénin, cet article s’interroge sur la capacité du numérique à être une solution clé pour l’augmentation de la prévalence contraceptive.

L’état des lieux

    Sandia, 21 ans est étudiante à l’Université d’Abomey-Calavi. Grâce à son téléphone, il lui arrive de se renseigner sur le planning familial : « Avec les rumeurs autour des méthodes contraceptives, je vais souvent sur internet pour avoir la vraie information. C’est plus simple et rapide parce que pour voir un médecin, il faut prendre un rendez-vous et payer la consultation ».  Le témoignage de Sandia est un exemple de l’impact du numérique sur la santé des jeunes. Le téléphone et internet progressent à une vitesse exponentielle dans les communautés. Cette appétence des populations pour le digital est une opportunité pour améliorer l’accès à la planification familiale. En effet, la prévalence contraceptive au Bénin est de 12%, l’une des plus faibles d’Afrique de l’Ouest malgré les efforts des acteurs à divers niveaux[2]. « Les indicateurs en matière de santé de la reproduction ne bougent pas assez et le numérique est un moyen incontournable pour accélérer les résultats », martèle Barbara Laurenceau, Représentante Résidente de l’United Nations Population Fund (UNFPA) au Bénin. Des applications mobiles et des pages web donnent accès aux services et conseils sur le planning familial. Cependant, leur efficacité dépend de la fiabilité des contenus.

L'appétence des populations pour le digital est une opportunité pour améliorer l'accès à la planification familiale. Cliquez pour tweeter

L’assurance qualité

    Le numérique peut être un couteau à double tranchant dans un domaine aussi sensible que celui du planning familial. « Il y a de fausses informations relayées par certaines plateformes avec des conséquences énormes », remarque Gloire Ayetolou, jeune ambassadeur en santé de la reproduction et planification familiale. Pour elle, « il faut un comité ou une coordination d’experts qui vérifie la justesse des contenus des blogs et sites web spécialisés en santé de reproduction ». La fiabilité du contenu est une inquiétude majeure des jeunes. D’après l’étude citée plus haut[1], 46% des répondants citent les informations inexactes comme une préoccupation.

La fiabilité du contenu est une inquiétude majeure des jeunes. Cliquez pour tweeter

    De plus, « il est important que le contenu soit développé avec des experts, les adolescents et les jeunes pour s’assurer que le message est vraiment adapté à la cible », insiste Dr. Joannie Bewa, médecin spécialiste en santé publique, sexuelle et reproductive et chercheur à l’Université de Floride du Sud. « La protection des données des utilisateurs doit être également étudiée avec les spécialistes du numérique » ajoute-t-elle. En effet, toujours selon la même enquête[1], 67% des répondants citent la protection des données personnelles comme principale préoccupation lors de l’utilisation d’applications et de technologies pour la santé.

Les difficultés à trouver du financement

    Au Bénin, certains jeunes essaient chaque jour de relever le défi de la qualité de leurs plateformes. Arayaa, un site web de santé, a une section dédiée à la promotion de la santé de la reproduction. Le site web est animé uniquement par des professionnels de santé et reçoit des milliers de visiteurs par jour et existe grâce à l’engagement de ses initiateurs. « Nous n’avons pas d’accompagnement institutionnel. Nos moyens sont totalement privés et très très limités », avoue Dr. Hashim Hounkpatin, médecin et cofondateur de Arayaa. Pour Gloire Ayétolou, « il existe des financements pour les jeunes mais il y a trop d’exigences ». Cependant, « La mobilisation des ressources ne devrait pas poser problème si l’initiative est novatrice et l’impact démontré », fait remarquer Dr. Bewa.

Ma vie Mon choix, un modèle qui s’améliore

    Ma vie Mon choix est une application appuyée par l’UNFPA pour fournir aux jeunes des informations importantes et complètes sur la santé sexuelle et reproductive en les rendant facilement accessibles en quelques clics sur  téléphone. Cette application contient d’autres fonctionnalités telles que des jeux concours, des vidéos d’approfondissement, des discussions interactives avec des experts.  La conception d’une telle application est contraignante. « Actuellement, nous revoyons l’application pour la rendre plus dynamique, plus légère et revoir le contenu car à tout moment, il faut s’assurer que culturellement, le message est le mieux placé. L’utilisation du numérique en santé de la reproduction demande de revoir l’interface, au moins une ou deux fois par an », fait savoir Barbara Laurenceau, Représentante Résidente de l’UNFPA au Bénin.

    Il y a quelques semaines des innovateurs du Bénin, du Burkina Faso, du Togo, du Nigéria et du Ghana se sont réunis pour apprendre les uns des autres, mutualiser les efforts et rendre les applications de ces différents pays interopérables. De plus, « grâce à l’intelligence artificielle, nous travaillons à développer les solutions numériques en santé de la reproduction de ces cinq pays en trois langues africaines à savoir le fongbé, le haoussa, le foulfoube mais aussi en français et en anglais avec un accent africain », renseigne Barbara Laurenceau.

Que retenir…

    De nos jours, le téléphone est presque une partie du corps humain. Le numérique, s’il est adapté aux besoins et à la cible, peut être une stratégie très porteuse pour augmenter la prévalence contraceptive non seulement au Bénin mais aussi dans les pays où le nombre d’utilisatrices des méthodes contraceptives ne progresse pas. « Sensibiliser sur les différentes méthodes efficaces, leurs effets secondaires, rassurer les femmes de la disponibilité des services pour leur prise en charge, payer les méthodes à distance et faciliter l’adhérence des femmes à certaines méthodes sont des avantages importants que le numérique peut apporter », résume Dr. Joannie BEWA. Il faut par ailleurs traiter de manière appropriée les obstacles à l’adoption des technologies numériques par les populations notamment le taux de pénétration d’internet, le coût de la connexion et la protection des données. Les gouvernements et les acteurs intervenants dans le domaine du planning familial doivent miser sur le numérique au risque de retarder l’atteinte des objectifs.

Les gouvernements et les acteurs intervenants dans le domaine du planning familial doivent miser sur le numérique au risque de retarder l'atteinte des objectifs. Cliquez pour tweeter

[1] Fondation Botnair, Devex, Path, Women Deliver, The Partnership for Maternal, Newborn and Child Health. Health and Technology : What young people really think. August 2019.

[2] Institut National de la Statistique et de l’Analyse Economique (INSAE) et ICF. 2019. Enquête Démographique et de Santé au Bénin, 2017-2018. Cotonou, Bénin et Rockville, Maryland, USA : INSAE et ICF.

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