N’oublions pas les hommes dans la promotion du planning familial

Par Isaac Houngnigbe
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    Dans nos communautés, la décision d’adopter une méthode contraceptive est fortement influencée par l’homme. Au Bénin, pour les femmes en union qui utilisent actuellement la contraception, dans 43% des cas, c’est principalement la femme et le mari/partenaire qui ont pris la décision[1]. Ce pouvoir de l’homme est un paramètre à intégrer si l’on veut augmenter le nombre d’utilisatrices des méthodes contraceptives dans nos pays. Cet article s’intéresse à ce paramètre quelque peu négligé.

L’avis de l’homme ou… la porte

La stabilité d’un couple peut être menacée quand la femme décide d’adopter une méthode contraceptive sans l’avis de son partenaire. Mahougnon, un conducteur de taxi moto ne cache pas cette réalité : « c’est moi le chef de la famille. Ma femme ne peut pas adopter une méthode contraceptive sans m’informer. En cas de conséquence, c’est à moi de gérer. Si elle n’a pas mon approbation et que je le constate plus tard, je peux lui dire de rentrer chez ses parents ». Ce fait est accepté par de nombreuses femmes. « Si je ne prends pas son avis, ça pourra créer la rupture entre nous », confesse Ayaba, vendeuse de tomate au marché d’Abomey-Calavi. Cette situation est un casse-tête pour les activistes en santé de la reproduction. Dans les communautés, ils ont souvent du mal à mobiliser les femmes sur la thématique du planning familial : « Plusieurs fois dans les communautés, des garçons nous ont menacés ou presque chassés quand nous faisons du porte à porte pour sensibiliser les femmes sur la santé de la reproduction. C’est une résistance à laquelle on se heurte très souvent », raconte Gloire AYETOLOU, jeune ambassadeur en santé de la reproduction et planification familiale. Dans les centres de santé, les sages-femmes rapportent souvent les cas des femmes qui demandent le retrait d’un dispositif intra utérin ou d’un implant sous la pression de leurs conjoints.

Un phénomène social qui s’explique

« La société béninoise est caractérisée par un modèle fondé sur la filiation paternelle », explique Florentine MERE, sociologue de santé. Pour elle, « tout pouvoir et toute autorité sont conférés au père ». Par ailleurs, les méthodes contraceptives sont encore mal perçues par les hommes. Ces derniers considèrent la planification familiale comme une menace à leur masculinité. La richesse d’une famille en Afrique se mesure à l’abondance de sa progéniture. « Dans une société africaine à tradition orale, les informations relatives aux effets secondaires des méthodes contraceptives ont été vite déformées favorisant l’encrage de cette fausse perception dans l’imaginaire collectif », analyse la sociologue. Selon Barabara Laurenceau, Représentante Résidente de l’UNFPA au Bénin,  « certaines initiatives orientées vers les hommes comme les comités  »les hommes s’engagent » n’ont pas pu quadriller l’ensemble du pays à cause du manque de ressources ».

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Ne pas laisser les hommes de côté

Prendre en compte les hommes est essentiel pour l’adhérence et l’observance des femmes aux méthodes contraceptives. « Il faut qu’on implique les hommes, sinon, ça va échouer », prévient Aline Alo Kouthon, sage-femme au centre de santé de Akassato. Elle ajoute : « Il y a des femmes qui viennent avec leur conjoint lors des séances d’explication sur le planning familial. Quand l’homme s’implique, la femme est plus en confiance. Même en cas d’effets secondaires, la femme supporte mieux ».

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Il peut être envisagé des programmes avec des contenus orientés vers les hommes. Florentine MERE, sociologue propose « une sensibilisation par les pairs ». Il faut informer les hommes sur les différentes méthodes, les avantages, les inconvénients et les effets secondaires.

Avec le projet Sahel Women’s Empowerment and Demographic Dividend (SWEDD)[2], une nouvelle génération d’initiatives prendra en compte les maris dans les communautés et les garçons dans les systèmes scolaires. « C’est indispensable que les hommes soient des parties prenantes », soutient Barbara Laurenceau, Représentante Résidente de l’UNFPA au Bénin.  « Nous travaillons déjà régulièrement avec des militaires, des policiers, des leaders religieux qui sont généralement des hommes », ajoute-t-elle.

 

[1] Institut National de la Statistique et de l’Analyse Economique (INSAE) et ICF. 2019. Enquête Démographique et de Santé au Bénin, 2017-2018. Cotonou, Bénin et Rockville, Maryland, USA : INSAE et ICF.

 

[2] Le projet SWEDD a été lancé en novembre 2015 dans sept pays (Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Mali, Mauritanie, Niger, Tchad et Bénin) avec le soutien financier de la Banque Mondiale, l’appui technique du Fonds des Nations Unies pour la population et l’Organisation Ouest Africaine pour les Santé (OOAS) pour accroitre l’accès des femmes et des adolescentes à la santé sexuelle et reproductive, notamment la planification familiale volontaire et la santé maternelle.

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